CONGELER SON CAFÉ: Quelle est la meilleure méthode?
Il y a de cela plus d’un an que j’ai publié mon premier blogue sur la congélation sous-vide. Au rythme où l’innovation dans le monde du café progresse, je remarque que certains passages sont désuets et qu’il comprend des généralités non complètement fondées. J’ai donc décidé, il y a quelques mois, d’entamer une expérience à long terme pour déterminer si d’autres méthodes de préservation offraient un certain avantage sur la congélation sous vide.
La congélation sous vide est possiblement la méthode la plus connue pour préserver son café. Je dirais même qu’elle est sans doute la plus utilisée par les adeptes pour stocker son café en plus grandes quantités. En théorie, ses principes sont justifiés: limiter l’oxydation au maximum en enlevant l’air ambiant et ralentir les réactions de dégradation dans le café. Cependant, est-ce que le procédé sous-vide pourrait avoir un impact négatif sur la préservation des arômes du café? Nuit-il, avec la succion de l’appareil sous-vide, à la conservation des composés volatiles responsables des fragrances et saveurs uniques au café? Existe-il des méthodes alternatives plus efficaces pour préserver son café? Il ne manquait plus que d’expérimenter un peu pour tenter de trouver des réponses.
NOTE AU LECTEUR — à prendre avec un grain de sel…ou de café 🤪
Ceci n’a rien de scientifique. Je ne suis tout simplement pas équipé pour mesurer quoi que ce soit. Mes réflexions sont basées sur mon expérience subjective et sur ma perception uniquement. Je suis seulement un tripeux de salon qui tente de répondre à ses questions avec les moyens à ma disposition.
SOUS VIDE OU PAS SOUS VIDE, LÀ EST LA QUESTION
Pour essayer de trouver s’il y a une méthode de préservation optimale du café à moyen terme, j’ai comparé l’effet du temps sur 6 échantillons différents (20g):
Sac scellé sous vide au congélateur;
Sac scellé seulement au congélateur (non sous vide);
Sac de plastique au congélateur;
Tube de centrifugeuse scellé avec ruban de téflon (tubes Argos Technologies LiteSafe, disponibles chez Cole Parmer);
Tube de centrifugeuse (non scellé);
Sac scellé sous vide au réfrigérateur.
Le café utilisé était le Double Soak, Cocoa Washed du domaine San José Ocaña, un mélange de bourbon et catuai du Guatemala torréfié par la Brûlerie du Quai le 22-11-2021. Tous les échantillons ont été emballés le 05-12-2021 pour être dégustés 9 mois plus tard. Les échantillons congelés ont été regroupés au même endroit dans le fond de mon congélateur tombeau pour éviter les fluctuations de température entre les échantillons. L’échantillon au réfrigérateur a été placé au fond de celui-ci pour la même raison.
COMPARAISON DES ÉCHANTILLONS — LA MÉTHODE
J’ai comparé les 6 échantillons par un cupping à l’aveugle avec 2 amis. Les tasses ont été préalablement identifiées au-dessous et déplacées aléatoirement sur la table de dégustation à 2 reprises par 2 personnes différentes. Les échantillons ont été moulus avec le Monolith Flat Max SSW et les cafés ont été infusés selon le même protocole de cupping (inspiré par celui de la SCAA). La même eau a été utilisée pour toutes les tasses.
Les goûteurs ont été invités à noter leurs impressions sur les arômes/fragrances (sèches et humectées), la saveur, l’acidité, le corps, l’uniformité, l’équilibre, la clarté et le niveau de sucre. Nous les avons classés par ordre de préférence et nous avons tenté d’associer les tasses à la bonne méthode de préservation avant de se consulter et de regarder l’identification sous les tasses. Au final, je voulais seulement voir si une différence entre les divers échantillons pouvait être perceptible par le commun des mortels.
LES RÉSULTATS
① Le café préservé dans les tubes scellés et dans les sacs scellés (non sous vide) sont les 2 échantillons qui se sont démarqués de façon unanime. Leur acidité rayonnait davantage et leur corps était plus crémeux/soyeux. Ces échantillons étaient plus intégrés et intéressants. En fait, nos ordres de classement étaient très similaires et ces 2 échantillons se retrouvaient au-dessus de l’échelle chez tous les goûteurs. Le café en tube scellé et sac scellé étaient indiscernables entre eux.
② Les échantillons préparés sous vide (congelé et au frigo) contenaient visiblement moins de gaz lors du bloom. À l’oeil, seulement ces 2 échantillons pouvaient être différenciés des 4 autres méthodes de préservation. Leur croûte lors de la saturation avec l’eau était mince au départ et s’est dissipée très rapidement, indiquant une moins grande proportion de gaz restante dans les grains. Tous les goûteurs ont noté cette observation (très évidente).
③ Les échantillons sous vide se sont retrouvés dans les 3 derniers rangs de nos ordres de préférences (soit en 4e, en 5e ou en 6e position)
④ Les échantillons n’ont pas été associés avec succès. Il était très difficile d’associer correctement la tasse à son échantillon respectif.
DISCUSSION et SOURCES DE BIAIS
Je suis conscient que cette expérience n’est tout simplement pas assez rigoureuse pour émettre des conclusions fiables sur l’effet des différentes méthodes de préservation. Il est tout de même intéressant que l’expérience de Jonathan Gagné, auteur du livre The Physics of Filter Coffee et du blogue Coffee ad Astra, s’alignent avec ces résultats. Il soupçonne que le procédé sous vide aurait un effet dommageable au niveau des arômes du café dès la mise en sac. Il affirme également que la dégradation du café dans les tubes de congélation (Weber Workshops Bean Cellar), quoique légère, peut être détectée, selon lui, à partir de 9 à 10 mois au congélateur.
Il est possible, en voyant la mince croûte des 2 échantillons sous vide, que notre ordre de préférence ait été négativement influencé par l’aspect visuel (biais de validation). Je soupçonnais, avant de faire l’expérience, que le procédé sous vide avait un effet négatif sur les composés volatiles responsables des arômes. Il aurait probablement fallu déplacer les échantillons après avoir brisé la croûte lors du cupping pour éliminer ce biais. Le procédé accélère-t-il le dégazage? Rend-il plus poreux les grains de cafés après avoir créer des fissures avec la pression négative? Cela reste à déterminer.
Pour avoir de plus forts constats, nous aurions dû recommencer l’expérience au moins une seconde fois pour évaluer la reproductibilité des résultats.
Comparer à un café de «contrôle» — c’est à dire un échantillon du même café, mais fraîchement torréfié — était tout simplement impossible en raison de la nature de l’expérience. De toute manière, le café vert possède, lui aussi, une durée de vie limité avant sa dégradation.
Selon cette expérience, les tubes scellés et sacs scellées semblent avoir un léger avantage sur la préservation des grains jusqu’à 9 mois au congélateur. Est-ce que cela aurait été le cas à 12, 18 ou 24+ mois après la congélation? Le procédé sous vide, malgré sa dégradation initiale suspectée, offre-t-elle un meilleur environnement pour la préservation du café à très long terme comparé aux tubes ou sacs simplement scellés?
Le seul échantillon au réfrigérateur (sac sous vide) a été soumis à des variations de température beaucoup plus importantes que celle du congélateur à mon avis, car la porte était ouverte plusieurs fois par jour. Cela peut possiblement expliquer pourquoi un des échantillons sous vide n’a pas été préféré aux tubes/sacs.
CONCLUSIONS
Doit-on laisser tomber la congélation sous vide et remplacer par des sacs scellés/tubes? Pas forcément. Ces méthodes comportent leurs avantages et inconvénients. Une chose est certaine: il existe très peu de documentation scientifique sur les différentes méthodes de congélation du café. Entre temps, je continuerai toujours d’expérimenter!
Comment congelez-vous votre café? Laissez un commentaire dans la boîte ci-dessous! 🤓