Café et climat : impacts socio-économiques


PRÉFACE

La série suivante, abordant les impacts des changements climatiques sur la culture du café, se veut différente dans sa structure et son contenu. Elle est composée d’un regroupement de blogues qui s’appuient sur la recherche scientifique, et qui décortiquent les impacts du réchauffement climatique sur la production du café ainsi que sur les sphères sociale et économique. C’est un sujet d’actualité qui me tient fortement à coeur, car nous sommes sur le point de vivre un bouleversement dans notre relation avec le café. Ces blogues ont pour but premier d’introduire les enjeux du climat sur le café pour conscientiser le lecteur, et alimenter les réflexions sur la portée et le pouvoir de nos choix en tant que consommateur. Cette série se penche ultimement sur la question suivante: que pouvons-nous faire concrètement pour assurer la pérennité de la culture du café dans un environnement où le climat est changeant?


 

La menace des changements climatiques sur la culture du café est inquiétante. La littérature scientifique prévoit des impacts majeurs sur la production dans les prochaines décennies si aucune mesure n’est mise en place pour minimiser les impacts du climat. Les températures et périodes de sécheresse à la hausse comportent non seulement des risques importants pour le rendement et la qualité du café, mais aussi pour la sécurité d’emploi, la santé et l’équité chez les producteurs.

 
Infusion manuelle du Karol Ortega (El Mirador, San Augustin, Huila — Colombie) de Jungle torréfacteur de café

Infusion manuelle du Karol Ortega (El Mirador, San Augustin, Huila — Colombie) de Jungle torréfacteur de café

 

SÉCURITÉ D’EMPLOI

De fait, les quelques 25 millions de producteurs, dispersés dans plus de 60 pays à travers le monde, sont principalement des petits producteurs qui fournissent du café à basse échelle. Pour la majorité d’entre eux, la production de café est leur seule source de revenu, ce qui les rend vulnérables aux changements du climat.

Par exemple, 4 millions de personnes dépendent de l’industrie du café pour vivre au Mexique et en Amérique centrale. Le secteur de l’agriculture, incluant le café, contribue largement au produit intérieur brut (PIB) de l’Amérique latine et fournit jusqu’à 40% des emplois. Le café a donc une empreinte socio-économique considérable et contribue à lutter contre la pauvreté.

Les conditions de travail de certains producteurs, par contre, ne peuvent être considérées comme acceptables. Piètre salaire, exploitation des enfants, travail physique et forcé; ces enjeux sont souvent monnaie courante. Le pire, c’est que la sécurité d’emploi des producteurs dépend largement du marché et de l’environnement. Difficile de faire face à une vague de chaleur sans avoir un budget adéquat pour adopter des mesures préventives. Ainsi, leur sécurité d’emploi est mise en péril si le climat n’est pas favorable à la culture du café.

 
 

VULNÉRABILITÉ AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES DES PETITS PRODUCTEURS

La majorité de la production du café provient de milieu rural dans les pays en développement, où le territoire et les conditions climatiques sont propices à la croissance des caféiers. Ces pays, ayant des conditions socio-économiques et institutionnelles fragiles, se voient plus vulnérables aux changements climatiques.

Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), le degré de vulnérabilité d’un système socio-économique est amplifié par toute forme de marginalisation, qu’elle soit sociale, économique, politique, culturelle, institutionnelle ou autre. Puisque la majorité des producteurs de café sont des petits producteurs, leur capacité d’adaptation pour faire face aux changements climatiques est souvent limitée par l’accès aux ressources financières, à l’éducation, à la technologie et aux infrastructures.

Une définition universellement acceptée de «petit producteur» est assez difficile à trouver. Elle fait généralement référence à une agriculture familiale de petite échelle qui utilise presque uniquement leurs propres ressources et une main d’oeuvre locale (ou familiale) pour générer des revenus. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO): «la notion de "petits producteurs" va de pair avec l'idée de désavantage, de risque de pauvreté, de manque d'opportunités et de besoin de soutien.» (Kalil et al., 2017)


Or, certaines communautés productrices déjà plus vulnérables font désormais face à un risque plus important de pauvreté et de famine saisonnière avec les changements climatiques. Tel qu’exposé dans le blogue précédent, la littérature scientifique prévoit un impact négatif du réchauffement climatique sur la production du café. La situation des petits producteurs, déjà précaire sur le plan socio-économique, tendra à se détériorer surtout si la production du café est leur unique source de revenu.

UN EXEMPLE PARMIS TANT D’AUTRE…
Plus de deux tiers des habitants du Guatemala vivent avec moins de 2,50$ par jour, et plus de 30% des Guatemaltèques sont touchés par l’insécurité alimentaire. Des épisodes dévastateurs de rouille du caféier, comme celui de 2008 à 2013, enveniment la situation et causent des pertes de revenus monstres. Les pertes financières, entre autres, constituent un énorme bâton dans les roues d’un virage vers des solutions de production adaptées aux changements de climat.

 
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VULNÉRABILITÉ

Les petits producteurs, plus vulnérables aux changements climatiques, sont souvent marginalisés en raison de leur faible statut économique, leur statut social et leur faible taux d’éducation.

 

ÉQUITÉ
Dans plusieurs pays en développement, la place de la femme est loin d’être reconnue. Les femmes sont victimes d’injustices, de discrimination, de violence, et doivent se battre pour leurs droits sociaux, économiques et professionnels. En Amérique du Sud, l’écart entre les sexes est parfois si grand dans certains pays que les femmes ont peine à être reconnues légalement et ne peuvent avoir accès au crédit, à l’éducation ou à la propriété. Ces conditions difficiles tendent même à s’empirer dans les milieux ruraux. Il faut être conscient que le degré d’inégalité entre les hommes et les femmes varie d’un pays à l’autre. C’est une réalité qui était jusqu’à lors très peu exposée dans le monde du café.

Malgré le rôle crucial des femmes dans la chaîne de production, l’iniquité qu’elles subissent dans les pays producteurs est un enjeu rarement soulevé auprès des consommateurs. Les femmes représentent une main d’oeuvre essentielle à la production du café et assurent la majorité des tâches reliées à la cultivation, la récolte, la sélection des grains, l’entretien et le transport de l’eau. Cependant, leur travail est rarement reconnu par une entente officielle. Par exemple, 60% des femmes travaillent de façon «informelle» et ne peuvent bénéficier des avantages gouvernementaux au Pérou selon le Consil of Foreign Relations.

De plus, avec les précipitations en baisse et l’augmentation projetée des épisodes de sécheresse, la santé des femmes productrices et de leurs enfants pourrait être plus à risque, car le rôle de porteuses d’eau leur est couramment attribué.

Les changements climatiques pourraient alors creuser davantage l’écart entre les hommes et les femmes, en mettant à risque la pérennité du secteur de production du café. On comprend ainsi que l’importance de nos choix en tant que consommateur est capitale. En achetant du café à très bon marché — bon marché pour le prix du moins… 🙄 —, on ne fait que contribuer à la disparité et aux inégalités sociales auprès des producteurs.

 
 

Comment cela vous fait-il réagir? 🧐 Pour en savoir plus, je vous invite fortement à consulter les articles énoncés ci-dessous. Le consommateur de demain sera conscientisé par rapport aux enjeux du climat sur le café, mais nous avons beaucoup de travail à faire pour véhiculer le message. Si c’est un sujet qui vous touche ou qui vous accroche, n’hésitez surtout pas à partager cette série sur les changements climatiques aux passionnés de café dans votre entourage! ✌️

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SOURCES:

A Brewing Storm: The climate change risks to coffee. (n.d.). 16. https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/02/WGIIAR5-PartA_FINAL.pdf

Baca, M., Läderach, P., Haggar, J., Schroth, G., & Ovalle, O. (2014). An Integrated Framework for Assessing Vulnerability to Climate Change and Developing Adaptation Strategies for Coffee Growing Families in Mesoamerica. PLoS ONE, 9(2), e88463. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0088463

Council on Foreign Relations. (2018). Peru’s legal reforms effectively increased female labor force participation. https://www.cfr.org/interactive/womens-participation-in-global-economy/case-studies/peru. Consulté le 7 septembre 2021.

Davis, A. P., Chadburn, H., Moat, J., O’Sullivan, R., Hargreaves, S., & Nic Lughadha, E. (2019). High extinction risk for wild coffee species and implications for coffee sector sustainability. Science Advances, 5(1), eaav3473. https://doi.org/10.1126/sciadv.aav3473

Hochachka, G. (2021). Integrating the four faces of climate change adaptation: Towards transformative change in Guatemalan coffee communities. World Development, 140, 105361. https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2020.105361

Khalil, C. A., Conforti, P., Ergin, I., & Gennari, P. (n.d.). DEFINING SMALL-SCALE FOOD PRODUCERS TO MONITOR TARGET 2.3. OF THE 2030 AGENDA FOR SUSTAINABLE DEVELOPMENT. 51.

Nyang’au, J. O., Mohamed, J. H., Mango, N., Makate, C., & Wangeci, A. N. (2021). Smallholder farmers’ perception of climate change and adoption of climate smart agriculture practices in Masaba South Sub-county, Kisii, Kenya. Heliyon, 7(4), e06789. https://doi.org/10.1016/j.heliyon.2021.e06789

Pham, Y., Reardon-Smith, K., Mushtaq, S. et al. The impact of climate change and variability on coffee production: a systematic review. Climatic Change 156, 609–630 (2019). https://doi.org/10.1007/s10584-019-02538-y

Quiroga, S., Suárez, C., Diego Solís, J., & Martinez-Juarez, P. (2020). Framing vulnerability and coffee farmers’ behaviour in the context of climate change adaptation in Nicaragua. World Development, 126, 104733. https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2019.104733

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