Café et climat: des pistes pour le consommateur


PRÉFACE

La série suivante, abordant les impacts des changements climatiques sur la culture du café, se veut différente dans sa structure et son contenu. Elle est composée d’un regroupement de blogues qui s’appuient sur la recherche scientifique, et qui décortiquent les impacts du réchauffement climatique sur la production du café ainsi que sur les sphères sociale et économique. C’est un sujet d’actualité qui me tient fortement à coeur, car nous sommes sur le point de vivre un bouleversement dans notre relation avec le café. Ces blogues ont pour but premier d’introduire les enjeux du climat sur le café pour conscientiser le lecteur, et alimenter les réflexions sur la portée et le pouvoir de nos choix en tant que consommateur. Cette série se penche ultimement sur la question suivante: que pouvons-nous faire concrètement pour assurer la pérennité de la culture du café dans un environnement où le climat est changeant?


 

Croyez-vous que vous pouvez vous en sauver? Eh non! Les changements climatiques nous touchent tous, et nous avons un rôle crucial à jouer. Les conditions de production du café sont en pleine métamorphose et mettent à risque la viabilité de l’industrie si nous ne nous adaptons pas rapidement à la situation. Dans cette finale de la série sur le café et le climat, je vous présente mes pistes de réflexion sur les responsabilités que nous avons en tant que consommateurs et agents de changement. Quoi de mieux que de boucler la boucle avec des solutions concrètes pour minimiser notre impact environnemental, pour encourager de meilleures habitudes de consommation et pour supporter des initiatives sociales!

 

① CONSOMMER MOINS

Vous êtes-vous déjà demandés si votre consommation de café était raisonnable? Le Canadien moyen consomme environ 2,7 tasses/jour de café (2020) et près de 6,5kg de grains par année. En effet, le Canada ne laisse pas sa place et rivalise avec certains pays européens des plus caféivores — d’accord, je conviens qu’on arrive difficilement à la cheville des Finlandais avec leur consommation de 12kg/année/habitant…😅. Les géants comme Tim Hortons sont bien plus qu’ancrés dans la culture canadienne du café et poussent les chiffres de la consommation moyenne à la hausse, sans compter l’utilisation des tasses à usage unique. Ce n’est pas pour rien que la production mondiale de café a doublé dans les 30 dernières années.

A-t-on réellement besoin de 5-6 cafés par jour ? Être caféinomane (consommer excessivement du café) peut être un problème en soi, surtout si les conditions de production à la source sont changeantes en raison des changements climatiques. Après tout, le café est un produit qui est sujet aux lois de l’offre et de la demande. Qu’arriverait-il si, dans les prochaines décennies, la production chutait drastiquement en raison du climat? Il deviendrait sans doute un produit de luxe et on savourerait chaque tasse consommée comme si c’était la dernière.

En fait, l’enjeu ici est que le café est souvent pris pour acquis pour carburer constamment à la caféine, si bien que l’essence même du café de spécialité s’efface tranquillement. On enchaîne sacs après sacs sans réellement se rendre compte de la chance qu’on a d’avoir accès à une panoplie de variétés de café au bout des doigts. C’est peut être en limitant sa consommation personnelle journalière que nous réussirons à débanaliser notre tasse quotidienne et à assurer la viabilité de l’industrie. Bref, consommer moins et intelligemment pour une meilleure gestion des ressources et réduire les coûts sociaux, économiques et environnementaux.

Personnellement, je ne tolère pas la caféine — surprenant pour un maniaque du café, n’est-ce pas? 😅. Je consomme 1-2 tasses de café au maximum par jour et je vis très bien avec cette habitude. Chaque infusion est un rituel que je valorise grandement, non pas pour le boost de caféine, mais pour l’opportunité de voyager dans le confort de chez soi à travers les saveurs et les arômes des grains. C’est beau, non? Et pour que ça le reste, repensez-donc à vos habitudes de consommation.

Je suis loin d’être l’exemple du consommateur idéal et j’en suis conscient: je n’achète pas tout mon café en vrac; la plupart de mes sacs de café achetés ne sont pas 100% compostables; je commande parfois en ligne; et plusieurs variétés de café dans mon «cellier» personnel voyagent des milliers de kilomètres pour se rendre dans ma tasse. Cependant, je limite ma dose de grains journalière pour faire un premier pas dans la bonne direction et j’opte de plus en plus pour des cafés d’Amérique.

 

Colombie Buena Vista, région: Neira, variété: Caturra — Géogène Micro-torréfacteur

 

② CONSOMMER MIEUX

Il ne serait pas surprenant de voir le prix de ce produit tant convoité monter en flèche d’ici les prochaines années en raison des conditions de production de plus en plus précaires. En plus de réduire notre consommation quotidienne de café, nous devons réorienter nos habitudes de consommation vers des pratiques plus écoresponsables pour contribuer à l’avenir durable du café.

Éviter le gaspillage

C’est plus que désolant de voir la quantité astronomique de café gaspillé dans les ajustements de moulin pour les infusions d’espresso. Comme l’a si bien mentionné Dany Marquis dans le dernier blogue, adopter les méthodes douces permet non seulement de mettre en valeur les cafés de haute qualité, mais minimise les pertes de grains au maximum. Je comprends qu’il y ait quelque chose d’attrayant pour le barista néophyte de jouer avec une machine à espresso à la maison. Certes, perfectionner cet art vient malheureusement avec un coût élevé en grains directement lancés au composte: il n’est pas rare que le nouvel initié perde jusqu’à un tiers du sac de café seulement pour ajuster les paramètres d’une extraction. En effet, l’intensité de l’espresso ne laisse pas beaucoup de place à l’erreur pour obtenir un résultat buvable en tasse. Les infusions filtres sont plus accessibles et pardonnent davantage — surtout celles en immersion. Elles offrent un environnement moins hostile pour découvrir le monde du café et pour comprendre les caractéristiques de chaque origine ou de chaque variété.

Les moulins électriques à dosage unique (ou single dosing grinders) gagnent du terrain sur le marché et offrent une excellente solution pour limiter le gaspillage de café. À la place de purger quelques secondes son moulin conventionnel lors d’un ajustement de mouture, les moulins à dosage unique obligent à moudre entièrement la quantité de café qui se trouve entre ses meules. Terminé les pertes monstres de précieux grains! Il en va de même pour les moulins manuels: chaque dose est moulue individuellement avec un peu d’huile de coude et aucun café n’est gaspillé à chaque ajustement.

Congeler son café peut être une solution alternative pour minimiser le gaspillage et le vieillissement du café. La congélation sous vide à la maison est probablement la meilleure façon de préserver la saveur de ses grains, mais elle implique l’utilisation de sacs de plastique. Même s’ils peuvent être réutilisés plusieurs fois, cette avenue ne figure pas comme une solution parfaite ou comme un choix sans compromis. Si vous voulez en savoir plus sur la congélation sous vide, je vous invite à consulter ma publication à ce sujet ➡️ CONGELER SON CAFÉ SELON LES RÈGLES DE L’ART. ❄️ Si vous êtes du genre à acheter en grosse quantité, la congélation dans un contenant hermétique en doses hebdomadaires est particulièrement utile pour réduire au maximum les pertes de grains — petit bémol ici: le café, lorsque congelé, ne doit pas être exposé à l’air.

 

Gestion des déchets

Adoptez un torréfacteur qui offre son café en vrac ou dans des sacs compostables/recyclables. Certains sacs sur le marché ont une pellicule de plastique interne qui garde les grains frais après la torréfaction; ils devront alors être jetés. D’autres sont même entièrement composés de plastique non recyclable. Idéalement, disposez de ces sacs là où ils peuvent être récupérés. Par exemple, TerraCycle offre une solution intéressante pour le recyclage des sacs de café: la Zero Waste Box. Le Kaapeh, un café de spécialité de la région de Sherbrooke, met les efforts — et l’argent…😅 — pour gérer les déchets après consommation. Alors, si vous êtes dans le coin, dirigez-vous à cet endroit pour en savoir plus!

Sinon, informez-vous auprès de votre torréfacteur local pour connaître la meilleure façon de disposer de votre sac. Plusieurs micro-torréfacteurs, comme Géogène, choisissent des emballages 100% compostables. Je crois que nous devrions davantage encourager ces initiatives lorsque possible.

Le Club Cortado en Estrie est un service d’abonnement mensuel de café qui emballe son café dans des sacs réutilisables. Cela permet de diminuer l’empreinte écologique que pourrait avoir la vente au détail de café. En plus de découvrir les torréfacteurs de la région du Québec et du Canada, vous pouvez avoir la conscience plus tranquille en sachant que votre sac ne se retrouvera pas à la poubelle.

💥 BONUS: Vous pouvez même profiter d’un 30% de rabais sur votre premier mois avec le code: ANOTTERCOFFEEPLEASE. ✌️


Si par malheur vous n’avez aucun torréfacteur près de chez vous et qu’il vous arrive de commander du café en ligne, invitez des amis à commander avec vous pour rentabiliser les coûts — monétaires et environnementaux — de la livraison.

 

Sacs réutilisables du Club Cortado à Sherbrooke

 

③ ACCEPTER DE PAYER PLUS POUR SES GRAINS

Pourquoi acceptons-nous de payer 20 à 30$ pour une bonne bouteille de vin entre amis alors qu’un sac de café de 340g à 20$ semble astronomique ?

Le pire, c’est que le sac de café à 20$, avec une consommation quotidienne «normale» durera au moins une à deux semaines alors que la bouteille de vin, elle, se consommera probablement en une soirée. Certains diront que de prendre un verre est une activité sociale. Pour moi, le café, c’est rassembleur. Il s’agit d’un langage presque universel en raison de son accessibilité grandissante et de sa popularité mondiale. Ce qui m’attire le plus, c’est justement les rencontres de passionnés de café comme moi ou de nouveaux initiés qui font leurs premiers pas dans ce vaste monde rempli de surprises. Uniquement pour partager l’émerveillement procuré par la première gorgée d’un café de spécialité avec un autre être humain, ça vaut le coup de payer plus. Peut-être que d’investir davantage dans votre sac de grains vous forcera à apprécier à sa juste valeur votre tasse matinale, à gaspiller moins de café et à en consommer moins, qui sait?

«Pour pouvoir apprécier des bons grains, il faut être équipé avec une bonne machine», me lanceront d’autres. Cette affirmation ne peut être plus fausse. Pour faire ça simple, le bon café commence avec de bons grains. Pas besoin d’une machine et d’un moulin à 2000$ pour faire briller un grand cru et pour émoustiller vos papilles. Un ensemble de V60 en plastique et un moulin à main sont assez pour vous faire tomber en bas de votre chaise. Faites la transition du café de commodité vers du café de spécialité et vous le verrez. 🙃

 

Payer plus: pourquoi?

Payer une somme plus importante par sac de café permet — j’ose le croire — un salaire plus décent pour le producteur, le courtier, l’importateur, le torréfacteur qui nous le vend. Les changements climatiques apportent des défis de taille pour la production. Plus d’argent à la source permet en partie de financer des mesures d’adaptation aux conditions du climat. La transition des monocultures vers des cultures intercalaires, la construction de systèmes d’irrigation ou de méthodes pour conserver l’eau, le développement de nouvelles variétés plus résistantes au climat, la relocalisation des plantations de café et la diversification des revenus figurent, entre autres, comme des solutions prometteuses pour assurer la pérennité de la culture du café de spécialité. Cependant, ces stratégies d’adaptation de la production nécessitent un support financier considérable, surtout pour les petits producteurs/productrices en contexte socio-économique vulnérable. Une prise de conscience est nécessaire pour le consommateur de tous les jours. Ça commence en acceptant de payer un peu plus pour sa tasse quotidienne.

Acheter, c’est voter. C’est un choix que nous faisons pour contribuer au maigre salaire du producteur et de l’artisan qui transmettent les saveurs du terroir jusqu’à la tasse et qui font rayonner le café de spécialité comme nous le connaissons tous. Laissez tomber votre sac de 2kg bon marché de l’épicerie grande surface. Ça ne fera qu’enrichir de plus belle la multinationale qui a avidement attiré l’acheteur en valorisant la crema comme le Saint Graal et sa «torréfaction supérieure» pour masquer la piètre qualité du grain.

 
 

④ ENCOURAGER DES ENTREPRISES LOCALES ET RESPONSABLES
C’est simple. Toute entreprise locale qui s’efforce de sourcer éthiquement son café et qui s’oblige de rester transparente quant à ses pratiques de commerce mérite d’être supportée. Vous devriez être capable d’obtenir l’information désirée sans friction auprès de votre torréfacteur de choix en posant vos questions. Fini le café de la marque maison du supermarché! Avant d’opter pour un café offert par une chaîne de restaurants/commerces, réfléchissez à où vous souhaitez vraiment mettre votre argent.

Un petit 2$ de plus dans les poches de ‘Jeffrey Benzos’ ? Ou dans celles de votre artisan torréfacteur du coin qui travaille fort pour vous offrir du café responsable et délectable? Un 2$ de plus qui sert directement à payer le loyer, les employés, la machinerie et tous les acteurs de la chaîne de production et non à renflouer les poches de Jeffrey et ses voyages spatiaux. 🚀

À vous de choisir.

Karol Ortega

Ce café, torréfié par Jungle Torréfacteur, a été importé par Semilla Coffee, une compagnie admirable qui figure comme un agent de changement dans le monde du café de spécialité. Véhicule d’idées, fervent conscientisateur et fier supporteur d’initiatives sociales chez les producteurs, Semilla Coffee est un excellent exemple du virage qui s’amorce dans la mentalité de la chaîne d’approvisionnement du café.

⑤ S’INFORMER PASSER LE MESSAGE
Pour avoir un impact de masse, il ne vous reste plus qu’à partager ces réflexions à vos pairs et à ouvrir la discussion.

Certains passages vous on fait réfléchir? Laissez un commentaire ci-dessous! 🤓


SOURCES:
Davis, A. P., Chadburn, H., Moat, J., O’Sullivan, R., Hargreaves, S., & Nic Lughadha, E. (2019). High extinction risk for wild coffee species and implications for coffee sector sustainability. Science Advances, 5(1), eaav3473. https://doi.org/10.1126/sciadv.aav3473

Pham, Y., Reardon-Smith, K., Mushtaq, S. et al. The impact of climate change and variability on coffee production: a systematic review. Climatic Change 156, 609–630 (2019). https://doi.org/10.1007/s10584-019-02538-y

https://632419-2056279-raikfcquaxqncofqfm.stackpathdns.com/wp-content/uploads/2021/06/CAC-Coffee-Consumption-and-COVID19-Infographic-2020.pdf

https://worldpopulationreview.com/country-rankings/coffee-consumption-by-country

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